Dans le cadre de la Semaine européenne du Développement Durable [#SEDD], la Fondation RAJA-Danièle Marcovici a interrogé Gabrielle Onesemo, présidente du Women's Council of Falealili 1. Cette association se situe dans les Îles Samoa, en Océanie, et a été subventionnée dans le cadre de l'édition 2024 du Fonds Féministe pour le Climat.
Votre association est située en Océanie, dans les îles Samoa. Quelle est la situation dans cette région ? Comment le changement climatique affecte-t-il cette zone ? Quel est le rôle des femmes dans cette région ?
Le changement climatique et les problématiques sociales dans les Etats en développement d’Océanie ou dans les petites îles comme les Samoa sont corrélés. Ce lien se transforme au point de faire de cette question une responsabilité qui incombe à l’ensemble de la société. Les impacts économiques, sociaux, environnementaux et culturels du tourisme et d’autres aspects du développement sont visibles, et sont ainsi réfractés à travers le nouveau prisme du changement climatique.
Les impacts du changement climatique provoqués par l’activité humaine ne peuvent être endigués du jour au lendemain. Le niveau de la mer monte. Les maisons des habitants sont vulnérables aux marées de plus en plus hautes et aux vagues lors des tempêtes. Les côtes s’érodent et les récifs coralliens blanchissent. Les réserves d’eau et la fertilité des sols sont menacées par l’eau salée. Les phénomènes météorologiques sont moins prévisibles, mettant en péril les pêcheurs et les agriculteurs.
En tant qu’association de femmes de la région du Pacifique, notre rôle est essentiel. Nos principes sont les suivants :
À l’origine, votre association est née de la rencontre de femmes issues de 9 villages de la région. Comment l’action collective renforce-t-elle votre lutte pour la préservation de l’environnement ?
Les familles à Samoa comptent généralement un grand nombre de membres. A l’inverse, certaines sont parfois plus petites, voire monoparentales. Dans ce district de Falealili, de nombreuses familles vivent de manière précaire et peuvent dépendre des envois de fonds de parents vivant à l’étranger. Un mode de vie traditionnel, avec peu de vie privée et de confort matériel, où l’on apprend l’agriculture, le tissage, et comment cuisiner des spécialités samoanes à partir de plantations, du jardin ou de la mer, leur permet de survivre quotidiennement.
Notre société samoane est fondée sur un système de gouvernance collectiviste appelé « fa’a Matai ». Dans ce système, la société est organisée par des familles élargies (aiga), chaque famille ayant ses propres titres de « Matai » (« chef » ou « leader ») qui sont liés à certains districts, villages et terres familiales. Par ailleurs, la religion occupe une place centrale dans le mode de vie samoan et est étroitement liée à la culture samoane (« the Samoan way »). L’impact profond du christianisme sur Samoa est particulièrement évident dans le paysage religieux de la société contemporaine. Avec la foi du peuple en Dieu et notre système Matai, la puissance de l’action collective a le potentiel de transformer notre monde, en apportant des changements positifs pour notre communauté.
L’unité de ces 9 villages a permis à notre association d’identifier les nombreux défis auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui, et de prouver que nos petits efforts individuels sont insuffisants pour résoudre efficacement ces problèmes, qu’ils soient sociaux, environnementaux ou économiques. Seul le collectif peut permettre à un changement réel d’advenir. L’action collective renforce nos voix et amplifie l’impact de notre plaidoyer. En s’unissant sous une cause commune, ces femmes peuvent exercer une plus grande influence sur les processus de prise de décision, encourageant les gouvernements et les institutions à faire des objectifs de développement durable une priorité.
Quelles sont les missions de votre association ? Quelles actions concrètes menez-vous ?
Les missions principales de notre association sont les suivantes :
L’ampleur des enjeux et défis des îles Samoa nécessite une action collective des femmes ainsi qu’un écho à l’échelle mondiale. En collaborant, les organisations, les gouvernements et les individus permettent aux femmes de partager leurs connaissances, des bonnes pratiques et des innovations, conduisant ainsi à de meilleurs résultats. En étant à l’avant-garde de nouvelles idées, de ressources, et de programmes, nous devenons plus efficaces. C’est pourquoi nous repoussons constamment le statu quo et agissons comme une voix audacieuse et avant-gardiste qui rassemble les gens. Nous sommes absolument déterminés à aider toutes les femmes, et notre priorité est toujours d’obtenir des résultats concrets et positifs.
Que ce soit en aidant la communauté à grandir et à prospérer, en inspirant des améliorations législatives ou en sensibilisant l’opinion publique, notre succès réside dans un impact réel et significatif sur la vie des femmes, non seulement à Samoa, mais aussi à l’international.
En 2024, votre association a été subventionnée dans le cadre de la deuxième édition du Fonds Féministe pour le Climat. Comment les fonds alloués par cette subvention seront-ils utilisés ?
Nous sommes reconnaissantes d’avoir été sélectionnées pour la deuxième édition du Fonds Féministe pour le Climat, car ces opportunités sont rares. Lorsque nous avons postulé pour ce financement, nous avons spécifiquement indiqué que l’agriculture communautaire représente une opportunité clé encore inexploitée pour notre autonomisation économique collective, la préservation de notre biodiversité, et une solution basée sur la nature face au changement climatique.
Les fonds seront utilisés pour développer un jardin potager communautaire, en utilisant des semences biologiques et des techniques résilientes face au climat. La production d’un manuel d’Agriculture Biologique et Résiliente au Climat, afin de transmettre ce savoir aux générations futures, sera un outil précieux pour la communauté. Notre objectif a toujours été de passer de la simple agriculture individuelle de subsistance à l’agriculture communautaire à des fins commerciales pour les marchés de légumes sur l’île, améliorant ainsi les opportunités de subsistance des femmes.
Quel message souhaitez-vous adresser à la communauté internationale ?
Peu importe où nous vivons, que ce soit sur une petite île ou dans une nation de la taille d’un continent, l’autonomisation économique des femmes peut avoir un effet bénéfique pour leurs foyers et leurs communautés. Samoa est une petite île mais un brillant exemple de la manière dont nous pouvons améliorer les moyens de subsistance des femmes agricultrices et leur adaptation au changement climatique grâce à une agriculture résiliente, biologique et adaptée au climat. Nous devons nous rappeler qu’un effort collectif au sein d’une communauté nous permettra de construire des réseaux, des partenariats et des collaborations plus solides, renforçant ainsi notre capacité à faire face et à nous adapter aux circonstances changeantes.