Interview de Petra Sevcikova sur la Norme ISO 53800 [Lignes directrices relatives à la promotion et à la mise en œuvre de l’égalité entre les femmes et les hommes et à l’empouvoirement des femmes]

7 octobre 2024

Petra Sevcikova est Cheffe de projet Normalisation au Département Transitions Durables et Sociétales d’AFNOR Normalisation. Elle est également responsable du comité international qui a élaboré la première norme ISO, proposant des lignes directrices pour aider les entreprises et autres organisations à mettre en œuvre l’égalité entre les femmes et les hommes.

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  • Pour la première fois dans le monde, une norme ISO est consacrée à l’égalité de genre. Dans quel contexte cette norme a-t-elle été adoptée ?

La commission de normalisation française sur Egalité entre les femmes et les hommes, créée fin 2021, a proposé en décembre 2021 le texte de travail qui est la base de la future norme internationale. Ce projet se déroule en deux étapes. Dans un premier temps, un référentiel français (AFNOR SPEC) a été élaboré avec les acteurs français. Ce référentiel a ensuite été porté par la France au niveau international et a placé la France au cœur de la normalisation internationale sur l’égalité entre les femmes et les hommes.

L’égalité entre les femmes et les hommes est l’un des Objectifs de développement durable des Nations Unies (numéro 5) adoptés en 2015 pour éradiquer la pauvreté, protéger la Planète et faire en sorte que tous les êtres humains vivent dans la paix et la prospérité d’ici à 2030. Grâce à cela, de grands progrès ont été réalisés en matière d’égalité au cours des dernières décennies, mais le monde n’est toujours pas sur la bonne voie pour atteindre pleinement l’égalité d’ici 2030. La situation défavorable aux droits des femmes et des filles a été encore accentué par la crise de covid-19. C’est pourquoi, les membres de la commission française et puis les participants de tous les membres nationaux volontaires ISO engagés dans le comité ISO, voulaient développer ensemble des mesures à l’échelle internationale.

La normalisation permet de compléter un arsenal des documents déjà existant et de renforcer les mesures possibles pour limiter et lutter contre les violences et les vulnérabilités contre les femmes et les filles. Cette ambition française voulait apporter une réponse transversale, sensibiliser et faire progresser collectivement les enjeux de l’égalité.

L’objectif était de partager les réflexions et bonnes pratiques identifiées à l’international et de travailler ensemble avec les participants des organismes de normalisations du monde entier qui ont fait le choix de participer à l’ISO. C’est un réel processus participatif, représentatif et consensuel pour s’assurer que les recommandations rédigées puissent être mises en œuvre par une grand variété d’organisations et entreprises, dans des contextes internationaux variés et qui évolue constamment.

Pour être précis, le titre de la norme ISO 53800 est « Lignes directrices relatives à la promotion et à la mise en œuvre de l’égalité entre les femmes et les hommes et à l’empouvoirement des femmes ». Les auteurs et autrices reconnaissent l’existence d’autres identité de genres, mais le choix, fait de manière collective, a été de se concentrer sur la question des inégalités engendre par la hiérarchisation des rôles genré assignés aux femmes et les hommes en raison de leurs caractères éminemment structurant dans la société.

 

  • Pouvez-vous nous expliquer la signification du nom complet de cette norme ? Quel en est le contenu ?

l’égalité entre les femmes et les hommes et à l’empouvoirement des femmes est une norme volontaire qui propose un cadre de référence méthodologique, des lignes directrices, des définitions, des procédures et des outils aux organisations, publiques et privées, en interne et dans leurs activités ; Quel que soit leur taille, leur localisation et leur domaine d’activité pour les orienter afin de réaliser des progrès durables dans la promotion et la mise en œuvre de l’égalité entre les femmes et hommes.

Le document entend présenter des étapes sur la façon de faire un état des lieux de la situation d’in/égalité au sein des organisations, aborder plusieurs sujets cruciaux comme l’amélioration du leadership des femmes dans les entreprises et tables-rondes, établir les bonnes pratiques de télétravail mais également les enjeux de budgétisation sensible au genre (« gender budgeting »).

 

  • Quel effet cette norme peut-elle avoir à l’échelle nationale, internationale et au sein des organisations ?

Réunion avec des acteurs internationaux sur la norme ISO.

La norme est le fruit de longues discussions entre les acteurs concernés au niveau international et elle fait l’objet d’un consensus atteint au sein de groupe de travail ISO. Son élaboration était une occasion d’échanger avec des membres des pays de tous les continents. C’est un document souple, lisible et utilisable par toutes les organisations.

En appliquant la méthodologie et les recommandations de cette norme, une entreprise ou une organisation se donne les moyens de mettre en œuvre une stratégie compétente, car cette norme est justement créée par des experts dans ce domaine du monde entier.

Les entreprise, les organisations ou les collectivités demandent d’éléments concrets et opérationnels : avec la norme, leur est offert une méthodologie opérationnelle avec plusieurs étapes. L’intérêt de la norme c’est qu’elle s’adapte à toutes les situations et niveaux de maturité sur le sujet des entreprises et organisations.

Ainsi, les organisations qui ne savent pas comment prendre le sujet d’égalité, qui partent à zéro, trouveront dans la norme un plan d’actions proposé et une méthodologie pour arriver à mettre des actions en place.

D’autre part, des organisations déjà suffisamment avancées qui ont déjà mis en place des plans d’actions, y trouvent des points pratiques et pragmatiques pour aller encore plus loin et pour progresser.

 

  • Pouvez-vous donner des exemples concrets de mesures qu’une entreprise peut mettre en place pour garantir l’égalité hommes-femmes en interne ?

La norme propose des exemples concrets et des bonnes pratiques qui permettent rapidement à une organisation d’être opérationnelle.

Premièrement, l’organisation peut obtenir un aperçu de la situation actuelle de l’égalité entre les femmes et les hommes à son sein grâce à la norme. Cette organisation peut aussi impliquer les partenaires de l’organisation concernés dans la progression vers plus d’égalité et identifier les obstacles et les opportunités à l’égalité. La norme accompagne l’organisation à mettre en place un système de prévention, détecter et répondre aux violences basées sur le genre et surtout améliorer la situation au sein de l’organisation en mettant en œuvre des plans d’action et établir ou renforcer les bonnes pratiques.

Toute l’annexe C contient des bonnes pratiques et des exemples concrets venant du monde entier. Pour un peu plus d’égalité, les entreprises peuvent par exemple :

  • enregistrer la rémunération versée à tous les salariés afin de garantir l’obligation d’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale ;
  • mettre en place des salles d’allaitement dans leur locaux pour accompagner les femmes à la reprise du travail ;
  • mettre en œuvre d’un programme de mentorat pour garantir une égale progression des carrières ;
  • s’assurer que la prise de parole pendant les réunions soit équilibrées entre les hommes et les femmes.

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